Vipère, Vienne, Nulle Part
Je ne veux pas mourir avant le lever du soleil.
Je ne sais pas où je suis . J’ignore comment je suis arrivé là. Je ne me souviens que mal de qui je suis. Je sais juste que je meurs.
Qu’on me donne de la lumière. Je veux voir. Je veux savoir où je suis, qui respire et sanglote à ma gauche et quelle voie d’eau goutte tout doucement à côté de moi. Et pourquoi diable je meurs.
Puisque je n‘ai pas mal.
Puisque je ne sens même pas mon corps.
Serais-je blessé à la tête ? Après tout, je ne sens pas non plus la présence désagréable de mon casque.
Mon casque.
Je me souviens à présent.
Je portais un casque.
Je suis un soldat.
Nous étions des soldats et nous marchions sur Vienne.
Nous portions de nouveaux uniformes discrets et sans panache, mais nous étions des héros.
Nous étions des soldats de l’Alliance et nous marchions sur Vienne avec les rebelles de l’Empire, au nom de la liberté.
Nous prendrions Vienne et ce serait la fin de l’Empire Austro-Hongrois.
Mais lorsque nous sommes arrivés, Vienne n’était plus là.
- Terre Brûlée, a dit un sergent que son supérieur à rabroué en l’appelant imbécile.
Et c’est vrai, de loin, on aurait pu croire à un incendie. Mais les éclaireurs sont revenus en affirmant que les dégâts étaient bien supérieurs à ceux qu’aurait causés un incendie et qu’à Hietzing, où les bâtiments tenaient encore debout, des civils étaient sortis des caves, terrifiés, affirmant que tout avait été détruit en un éclair et refusant d’entrer dans les bâtiments où se trouvaient dans cadavres immondes. Certains hommes avaient grimpé sur un toit, mais n’avaient vu qu’un monceau de débris et de restes calcinés. Et un cerf.
- Un cerf ?
- Avec des grandes co… heu, des grands bois.
Puis nous avons installé nos camps de l’autre côté du Danube. Nous avons construit des passerelles de débris et d’épaves et nous avons investi les ruines.
Car nous étions des soldats, et les soldats sont des pillards.